BIOLOGIE - COURS UNIVERSITAIRES - BÉNIN

Summary


La main est fréquemment exposée aux brûlures, entraînant des séquelles esthétiques et fonctionnelles. Le traitement de ces séquelles est surtout chirurgical et consiste en la greffe de peau, dont le type dépend de la localisation de la brûlure et du type des séquelles. Dans ce travail rétrospectif, nous rapportons une série de 152 cas de brûlures des mains colligés au service de chirurgie plastique du Centre Hospitalier Universitaire Ibn-Sina de Rabat sur une période de dix ans, allant de 1998 à 2007. Les indications thérapeutiques dépendent du type de séquelles et de la localisation de la brûlure. En tout, 97 patients ont bénéficié d'une greffe cutanée, dont 76% par greffe de peau totale, 21% par greffe de peau demi-épaisse et 3% par peau fine. Les séquelles des brûlures des mains posent un problème thérapeutique majeur, malgré la diversité des procédés chirurgicaux, d'où l'intérêt de la prévention.

Mots-clés : GREFFE, PEAU, TRAITEMENT, CENTRE, HOSPITALIER, IBN-SINA, RABAT, MAROC

Introduction


Les brûlures sont des accidents fréquents et redoutés.Elles sont la conséquence d'une agression thermique, électrique ou chimique du revêtement cutané.
Leur localisation à la main mérite d'être individualisée du fait de l'importance de cette partie du corps, de leur fréquence ainsi que des conséquences fonctionnelles et esthétiques qu'elles engendrent.
Il existe deux types principaux de séquelles liés aux phénomènes cicatriciels et post-cicatriciels du brûlé: l'hypertrophie et la rétraction.
La fréquence, la gravité et le problème thérapeutique de ces brûlures nous ont poussés à étudier 152 cas de brûlures de la main colligés au service de chirurgie plastique Ibn-Sina de Rabat, Maroc, durant une période de dix ans, allant de 1998 à 2007.
Nous proposons d'illustrer les données épidémiologiques, étiologiques et cliniques ainsi que les procédés thérapeutiques.

Matériels et méthodes


Notre série d'étude comporte 152 cas de brûlures de mains traités au service de chirurgie plastique et des brûlés du CHU Ibn-Sina de Rabat, sur une période de dix ans s'étalant de 1998 à 2007. Les 152 patients représentent un pourcentage de 69% de l'ensemble des brûlés.

Etude épidémiologique


L'âge moyen des patients est de 22 ans, avec des extrêmes de 4 mois et de 73 ans.
Dans notre série, 39 patients (26%) ont un âge compris entre 4 mois et 6 ans, 32 patients (21%) entre 7 et 18 ans, 63 patients (41%) entre 19 et 40 ans et 18 patients (12%) entre 41 et 73 ans.
Il n'y pas de prédominance de sexe puisqu'on a pu relever 75 cas chez l'homme (49%) et 77 cas chez la femme (51%).
139 malades n'ont aucun antécédent (ATCD) pathologique
• 3 cas d'ATCD d'asthme
• 4 cas d'ATCD de diabète
• 3 cas d'ATCD d'hypertension artérielle
• 3 cas d'épilepsie
• 1 cas d'ATCD de tuberculose
• 1 cas d'ATCD d'ulcère
Les causes de brûlures sont multiples.
✓ Dans notre série on rapporte:
107 cas de brûlure par flamme soit 70%
26 cas de brûlures par liquide soit 17%
10 cas de brûlures par électricité soit 7%
9 cas par autres causes soit 6%
✓ Sur cette série:
97 cas d'accident domestique soit 64%
36 cas d'accident de travail soit 24%
10 cas d'agression soit 6%
0 cas d'AVP
9 cas par autres circonstances soit 6%

On note 2 cas de brûlure après perte de connaissance et 2 cas de chute sur feu de bois suite à une crise d'épilepsie.
✓ Etude clinique:
Nous avons noté 88 cas de brûlure unilatérale des mains et 64 cas de brûlure bilatérale des mains.
87 patients ont des brûlures isolées des mains sans lésion associée
• On note 2 cas d'intoxication au CO
• 1 cas de syndrome de loges
• 1 cas de pleurésie
• 1 cas de luxation P1-P2 du 2ème doigt
• 35 cas de brûlure de visage associée
• 20 cas de brûlure de l'avant-bras associée
Les séquelles cutanées mineures étaient présentes dans près d'un tiers des cas et consistaient en dyschromies (90%), prurit (49%), hyperesthésie cutanée (37%) et fragilité cicatricielle (34%).
Concernant les séquelles cutanées majeures, on note:
• Les cicatrices pathologiques (cicatrices hypertrophiques vraies et chéloïdes) retrouvées dans 51% des cas
• Les rétractions retrouvées dans 86% des cas
• Traitement par greffe de peau Sur 152 brûlés des mains, 97 ont bénéficié d'une greffe cutanée soit 64%.
On note que
• 74 patients ont bénéficié de greffe de peau totale soit 76%
• 20 patients ont bénéficié de greffe de peau demiépaisse soit 21%
• 3 patients ont bénéficié de greffe de peau fine soit 3%
Les sites de prélèvements sont variables selon les types de greffe et selon la localisation de la zone à greffer:
• 67 greffes ont été prélevées à partir de la région inguinale soit 69%
• 24 cas à partir de la cuisse soit 25%
• 5 cas à partir du bras soit 5%

Evolution


Tous les patients avaient un suivi post-opératoire à court terme pendant leur hospitalisation au service et à long terme lors des consultations régulières.
Parmi les complications observées on a noté 4 cas d'infection soit 4% et 3 cas de saignement soit 3%.
A long terme, après 10 ans de la brûlure, un cas de cancer spinocellulaire a été relevé.

Discussion


Les brûlures surviennent chez des sujets jeunes. Cela reflète à la fois les caractéristiques démographiques et le profil épidémiologique des brûlures aiguës au Maroc (41% ont un âge entre 19 et 40 ans).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer les accidents chez les enfants; on retiendra leur présence fréquente dans la cuisine, l'avènement de la marche et une moindre surveillance à un âge de préscolarisation (26% ont un âge compris entre 4 mois et 6 ans).
Chez l'adulte jeune, que ce soit en milieu domestique ou professionnel, les mauvaises conditions de sécurité et le manque d'expérience et d'information contribuent à la fréquence des brûlures.
Il n'y a pas de prédominance de sexe puisqu'on a pu relever 49% de cas chez l'homme et 51% chez la femme.Le lieu de la brûlure est le plus souvent domestique (64% dans notre série), puis viennent les accidents de travail au deuxième rang (24%), imposant alors des mesures de prévention primaires spécifiques à cet endroit. Dans 6% des cas il s'agit d'une agression et on a noté aussi deux cas de brûlures suite à une crise d'épilepsie et deux cas suite à une perte de connaissance.
La brûlure thermique par flamme est le mécanisme le plus fréquent (70% dans notre série): il s'agit le plus souvent de la flamme de butane, qui est responsable du syndrome face-mains avec ses répercussions esthétiques, fonctionnelles et psychosociales gravissimes. Il rappelle la nécessité d'une manipulation adéquate de la bouteille de butane de 3.5 kg.
Les brûlures thermiques par liquides chauds sont moins fréquentes mais constituent le mécanisme prépondérant chez l'enfant. Elles sont conditionnées par la surface de la brûlure et par sa profondeur liée au temps de contact, à la viscosité et au point d'ébullition.
Les brûlures électriques peuvent être domestiques (bas voltage) ou dues à des câbles de haute tension sur les chantiers de travaux publics (haut voltage). Les brûlures occasionnées sont profondes, aboutissant parfois à des amputations des membres. 5
Les brûlures surviennent chez des sujets à risque; en effet les ATCD des patients constituent à la fois un facteur prédisposant et pronostique de l'évolution de la brûlure.
Dans notre série il y a 4 cas d'ATCD de diabète, 3 cas d'ATCD d'hypertension artérielle, 3 cas d'ATCD d'épilepsie et un cas d'ATCD d'ulcère.
Les variétés anatomo-cliniques des brûlures de la main sont multiples et varient en fonction de trois facteurs : le degré de la brûlure, sa localisation et son association à d'autres lésions thermiques.
Les brûlures des mains peuvent être bilatérales rendant leur prise en charge encore plus délicate. Dans notre série cela représente un pourcentage de 42%.
Les lésions associées sont importantes à rechercher, pouvant modifier la stratégie thérapeutique et le délai opératoire. Ces lésions sont variables et fréquentes, parmi lesquelles on trouve l'intoxication au CO, le syndrome de loges, les fractures, les brûlures du visage et de l'avant-bras…
Très schématiquement, on peut distinguer trois cas:
1- Les brûlures isolées des mains
2- Le syndrome face/mains
3- La brûlure des mains chez le grand brûlé: dès que la surface totale de la brûlure dépasse 20% de la surface corporelle chez l'adulte et 10% chez l'enfant, le problème est alors très différent. Le risque est d'abord vital et le souci fonctionnel passe à l'évidence au second plan.
Les séquelles cutanées sont fréquemment associées entre elles. Le prurit prédomine la nuit. Il est variable et transitoire, et est lié au bouleversement de la structure du tissu cicatriciel.
L'hyperesthésie cutanée (37% dans notre série) s'explique par la destruction des fibres nerveuses périphériques et de leurs récepteurs par la brûlure.
Par ailleurs, la cicatrice reste fragile (34%) tant que la jonction dermoépidermique n'est pas stable, et le moindre traumatisme est source d'excoriations et de phlyctènes.
L'usage d'antiseptique colorant tel que l'éosine aqueuse est bénéfique.
Les troubles pigmentaires ou dyschromies sont fréquents mais aucune explication claire n'a été donnée (90% dans notre série). L'hyperchromie souvent notée est liée à la non observance de l'éviction solaire et de l'écran solaire total. Ces troubles diminuent d'intensité avec le temps mais ont tendance à persister.
Par ailleurs, les cicatrices pathologiques, qu'elles soient des cicatrices hypertrophiques ou des chéloïdes, sont la conséquence de brûlures profondes ou intermédiaires ayant cicatrisé spontanément ou de façon dirigée (51% dans notre série).
Les rétractions (86%) sont des lésions de brûlures profondes en zone fonctionnelle, ayant cicatrisé spontanément. Elles apparaissent à partir des bords de la lésion et créent une perte de substance cutanée virtuelle, mise en évidence lors du débridement chirurgical.
Le développement d'un cancer cutané sur la cicatrice de brûlure est une éventualité possible mais rare. Elle survient après un délai de 10 à 20 ans et prend la forme d'un carcinome spinocellulaire.
Son traitement fait appel à une exérèse large du carcinome suivie d'une couverture, voire d'un traitement complémentaire (curage ganglionnaire et radiothérapie).
Selon la séquelle et selon sa localisation dorsale, palmaire ou commissurale, la greffe cutanée pourra être totale, semi-épaisse ou mince. Les greffes les plus souvent pratiquées sont les autogreffes.
Dans le cas de notre série, la zone donneuse s'est faite au niveau de la région inguinale dans 69% des cas, contre 25% au niveau de la cuisse et 5% au niveau du bras.
Les avantages trophiques et esthétiques de la greffe de peau totale rendent très fréquentes ses indications au niveau des mains (76% dans notre série). En règle générale la greffe de peau totale est indiquée pour couvrir les brûlures de la main, sauf au niveau de la face dorsale, où on réalise une greffe de peau semi-épaisse.

Conclusion


La brûlure est une atteinte cutanée d'une grande fréquence qui mérite toute l'attention du médecin généraliste souvent consulté en premier sur les lieux de l'accident.Un patient victime d'une brûlure grave des mains doit être hospitalisé dans un service spécialisé afin que sa prise en charge aboutisse au meilleur traitement possible et à une diminution des séquelles, très invalidantes sur le plan fonctionnel et esthétique.
Les séquelles des brûlures sont variables, de la simple dyschromie à l'amputation pluridigitale. Le dos de la main est le plus exposé aux brûlures graves et donc plus fréquemment atteint.
Le traitement des séquelles fonctionnelles est plus difficile à gérer et repose principalement sur une chirurgie cutanée qui consiste en un apport de peau saine, sous forme de greffes de peau totale ou demi-épaisse, suivie d'une attelle de positionnement et une rééducation intensive en centre spécialisé.

References

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